Mais qu'est-ce qui t'es donc arrivé ? Raconte !
Un peu avant la grande ère de la piraterie, presque en pleine renaissance. Colton Fewer regarde son fils avec adoration. Il tient dans sa main un fleuret, la plus belle arme qui soit pour lui car elle ne sert jamais à faire couler le sang, qui ternit trop de lames à ses yeux. Fine, légère et élégante, on ne s'en sert que pour s'exercer et progresser, à l'image de son allure exemplaire. Mr.Fewer est sans doute l'un des meilleurs maître d'armes, il aime l'escrime pour la beauté du geste, lorsque le reflet de la lame s'ajoute à la coupe de l'air, qui se heurte au métal en sifflant. Il apprend à son fils les qualités d'une belle lame, et l'âme sacrée d'un fleuret.
"Papa, pourquoi tu aimes tant cette arme ? Elle est fragile et elle n'est pas bonne pour se battre...
- Tout est là, Mister, une lame se respecte pour son innocence. Dès que le sang la souille, elle perd toute sa finesse et son éclat.
- C'est faux ! On a inventé l'épée pour se battre, et tout le monde le sait...
- Tout bon duel se remarque à une victoire sans éclaboussures. Un duelliste qui arrive à battre son adversaire sans le blesser le ridiculise encore plus. Les armes blanches qui font couler le sang sont seulement souillées par leurs manieurs. Elle devraient exprimer l'humanité par la diplomatie et non par la souffrance.
- Je ne te suis pas, papa... Une arme qui ne blesse pas ne sert vraiment à rien, c'est nul !
- Mais toutes les armes blessent, ceux qui s'en servent ont le choix de le faire ou pas. C'est aussi à ça qu'on reconnais un bon bretteur. Le pacifisme est là clé de la vie, et notre ère ne sera bientôt plus faite pour les gens comme moi. J'aime le combat et les armes, pas la mort et la guerre.
- T'es pourri !
- Hé, calme-toi Mister, tu es trop jeune pour comprendre ce que je dis, ou déjà trop belliqueux.
- Arrête de m'appeler Mister, je déteste ça ! Je suis français, comme l'était maman, pas anglais, j'aime pas les anglais.
- Oh, tu ne m'aime pas... Hé hé, bien, on va t'appeler Wyster, alors. On inverse le "M" !
- C'est encore plus anglais et pourri !
- Justement, c'est ça qui est drôle ! Wyster, Wyster, Wyster !
- Arrête, papa !! Ou alors dit "Wyster" comme s'il y avait un "i" ! C'est déjà plus joli..."
C'est bien plus tard que "Wyster" comprit ce qu'on lui avait dit ce jour là... A 19 ans, il suivit la voie de son père en maniant l'épée d'une manière incroyable, alliant agilité et vitesse, vainquant chaque escrimeur, qui ne lui arrivaient nullement à la cheville, sans même les blesser. Effectivement, son père lui avait fait comprendre qu'un escrimeur digne de l'être se reconnaissait à sa manière d'arracher la victoire sans faire couler le sang, sans violence, mais avec art sans moins ridiculiser son adversaire qui se trouvait à chaque fois être le perdant, étalé sur le sol en craignant la pointe de la lame qui aurait pu l'achever. Ainsi, Wyster devint le duelliste le plus renommé qui fut, et ce dans sûrement le monde entier. Mais, pourquoi donc Wyster avait gardé ce surnom qui ne lui plaisait pourtant guère, pourquoi a-t-il subitement compris le sens de ce que son père lui avait enseigné, pourquoi a-t-il suivit sa voie ?
"Viens là, mon fils, il est temps. Voyons si l'élève a dépassé le maître.
- Papa ... J'ai pas envie de te combattre.
- Allons, ce n'est qu'un duel amical ! Et puis tu n'as que 19 ans, tu n'as pas ton mot à dire.
- Mais ..!
- Allez, mauviette !"
Le père accéléra tout en visant son fils de sa pointe. Ce dernier écarta la lame sans aucune difficulté, avant de se retrouver derrière son père sans que celui-ci n'ai pu s'en rendre compte. Il posa le tranchant de sa lame sur el coup de son père, insinuant la défait de celui-ci.
"Papa ? Tu paraît bien lent... Qu'est-ce qu'il..."
Wyster n'en a pas cru ce qu'il voyait. Son père... avait sa propre lame... logée dans son ventre.
"Fils... Il n'y a pas de place pour deux... pacifistes... sur cette terre. J'espère de plus que... que cela te fera comprendre pourquoi... le sang qui se verse... salit la lame et son porteur. Tu ne devras jamais... provoquer la mort, ou même la blessure."
Le jeune garçon secoua son père qui s'écroulait déjà. Il ne comprenait pas... Pourquoi s'est-il lui même tué ? Wyster savait très bien que... enfin... son père lui avait déjà expliqué ça. C'est complètement stupide de mourir pour appuyer ses propos ! Mais à quoi joue-t-il ?! Wyster était toujours sur le choc, incapable d'émettre un son, un geste ou quoi que ce fut. "Il n'y a pas de place pour deux pacifistes sur cette terre", qu'est-ce que ça veut dire ? Que...
C'est à la suite de cela qu'il décida de garder ce stupide surnom de "Wyster", seule héritage de la mort de son père. C'est après cela aussi qu'il voulu suivre son père dans sa passion, pour porter son nom au plus haut et transmettre sa façon de voir, son pacifisme aux autres. Il voulait que tout le monde le respecte et le comprenne, en incarnant ses idées et en les défendant. Il ne savait toujours pas pourquoi son père s'était tué, mais il avait compris son objectif. La paix.
6 ans. Ce sont 6 ans plus tard que Wyster réussit enfin à comprendre pourquoi son père s'était donné la mort. Il était alors à son apogée, 25 ans où tout le monde le connaissait et admirait son pacifisme, qu'il prônait pourtant par le combat. Son épée de cour qu'il tenait son père était elle aussi célèbre. Il ne s'en séparait jamais et l'avait appelée "Sagesse". Oui, c'est au plus haut de sa gloire qu'il compris la raison du suicide de l'homme qu'il appelait toujours "Papa" : il croulait sous les dettes. Il avait acheté des dizaines d'armes d'une valeur inestimable à une armurerie. Que des promesse de dettes. Que des menaces s'en suivirent. Il savait qu'il n'en avait plus pour longtemps parce qu'il ne pouvait rien payer. Il n'avait plus d'élèves en mesure de le régler, il leur avait promis que les entraînements seraient gratuits. Par pure générosité, il... il avait accepté de travailler gratuitement. Il est mort. Il est mort par bonté, pour de simples dettes. Il est mort parce qu'il s'était entêté à vouloir rendre service à ses élèves. Et ses élèves n'ont rien dit ? Wyster, 25 ans, toutes ses dents s'en alla chercher chacun d'eux pour leur parler de cette vieille affaire, qui remontait maintenant à 6 longues années. Il les retrouva tous en quelques mois.
"Pourquoi avez-vous accepté de suivre les cours de mon... mon papa sans payer un pauvre sous ?"
Cette question, il l'avait posé à tous les anciens élèves de Colton Fewer, son décédé père, et chacun d'entre eux avait répondu qu'il n'avait qu'à s'en prendre à lui-même s'il leur avait proposé ce marché et qu'en plus ils avaient largement de quoi payer. Ils rigolèrent.
"On savait très bien qu'il accepterait de nous faire bosser gratos, votre "papa" ! Ahah ! J'peux vous dire qu'on a bien gratté du fric, on était pleins aux as grâce à lui !"
Pas un seul n'a eu de regrets, pas un seul n'avait pas mentit... Tous, tous avaient profité de sa bonté et lui n'avait jamais rien compris. Son père était mort pour permettre à ses élèves de s'en mettre plein les poches ! Wyster tua chaque élève qu'il avait pu retrouver. Il brisa son idéal de pacifisme et souilla sa lame "Sagesse" pour venger son père. Il repensa à ces mots naïfs: "une lame se respecte pour son innocence", sottises ! Wyster, après avoir tué un à un ces lamentables escrocs, jeta ses lames dans la mer, avec elles toutes ses idées. Il ne gardera que son épée de cour "Sagesse", à qui il avait donné un tout autre sens. Son père n'aura jamais su la vérité, il n'aura jamais compris que le pacifisme est un mensonge ! Écœuré, il cessa toute activité de bretteur et laissa son nom s'émousser et se rouiller au fond de l'océan. Il n'aura jamais honte d'avoir quelque part salit les convictions de son père, du moins de les avoir oubliées. Il était fier de l'avoir vengé à sa manière, même s'il savait qu'il n'aurait pas aimé cela. Avec lui, il sombra dans l'oubli et il se reconvertit dans le commerce. Il s'acheta une petite corvette avec une rangée de canons au cas où des chasseurs de primes voudraient le retrouver pour la maigre récompense qu'il offrait (il avait tout de même tué 11 personnes, parfois importantes) et partit en mer vendre des animaux (beaucoup de pirates étaient friands de chats, de perroquets, ...) avec tout ce qui touchait à ce domaine (nourriture, raticides, ...). Il avait aussi quelques vivres pour aider les embarcations en manque et garda tout de même dans un coin de sa tête qu'il manquait encore à l'appel des élèves ingrats qui avaient contribué à la mort de son père... Il les retrouverait un jour ou l'autre et il les tueraient avec son épée de cour qu'il gardait toujours auprès de lui. Sa "Sagesse" était encore là pour servir...